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Le quatrième mur / Sorj Chalandon
Livre
Edité par Grasset. Paris , 2013
L'idée de Sam était folle. Georges l'a suivie. Réfugié grec, metteur en scène, juif en secret, Sam rêvait de monter l'Antigone d'Anouilh sur un champ de bataille au Liban. 1976. Dans ce pays, des hommes en massacraient d'autres. Georges a décidé que le pays du cèdre serait son théâtre. Il a fait le voyage. Contacté les milices, les combattants, tous ceux qui s'affrontaient. Son idée ? Jouer Anouilh sur la ligne de front. Créon serait chrétien. Antigone serait palestinienne. Hémon serait Druze. Les Chiites seraient là aussi, et les Chaldéens, et les Arméniens. Il ne demandait à tous qu'une heure de répit, une seule. Ce ne serait pas la paix, juste un instant de grâce. Un accroc dans la guerre. Un éclat de poésie et de fusils baissés. Tous ont accepté. C'était impensable. Et puis Sam est tombé malade. Sur son lit d'agonie, il a fait jurer à Georges de prendre sa suite, d'aller à Beyrouth, de rassembler les acteurs un à un, de les arracher au front et de jouer cette unique représentation. Georges a juré à Sam, son ami, son frère. Il avait fait du théâtre de rue, il allait faire du théâtre de ruines. C'était bouleversant, exaltant, immense, mortel, la guerre. La guerre lui a sauté à la gorge. L'idée de Sam était folle. Et Georges l'a suivie.
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Une aventure aussi exaltante que tragique
Monter l'Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth dans un Liban à feu et à sang telle est l’idée "folle et insensée" de Samuel Akounis, réfugié grec dans le Paris des années 80. Son objectif fortement influencé par son passé de combattant torturé est d’apporter une parenthèse, deux heures de trêve dans un pays déchiré par la guerre. Avec l’idée folle de réunir sur scène des acteurs issus de différents horizons politiques et religieux, Druze, Palestinien, Chiite, Chrétien, Phalangiste … il rêve d’associer ces différentes communautés ennemies le temps d’une représentation dans un décor en ruine. Et l’impensable devient possible, chaque acteur acceptant vraisemblablement d’en être. Mais Sam tombe malade. C’est donc naturellement à son ami Georges, le narrateur qu’il fait promettre de monter ce projet pacifiste. « Tes personnages sont prêts. Ils t'attendent », glisse-t-il dans un souffle. Mais la guerre et ses atrocités sont également au rendez vous et vont plonger le narrateur dans une réalité aussi violente qu’inattendue. Le quatrième mur, au théâtre, c’est ce mur invisible qui protège et sépare les comédiens de la réalité, et du public. L’implication de Georges, la teneur du projet, la guerre avec ses développements horribles et absurdes vont faire que ce mur va brutalement s’écrouler, laissant le narrateur en première ligne et le lecteur saisi par cette aventure aussi exaltante que tragique.
Avis des bibliothécaires - Le 17 décembre 2014 à 11:42