Gamelan
« )A la) tombée de la nuit, je les ai vus enlever les housses sur l’estrade pour se préparer à jouer…J’ai alors pu découvrir le gamelan ! […] Un pur ruissellement de marteaux de métal sur des lames de bronze. Une maestria de frappes qui carillonnent à travers la constellation percussive, laquelle ne cesse de tinter et de tintinnabuler, ting-ging-ding, en cavalcade, par salves et par rasades, qui me font frémir jusqu’à l’échine. Le métal tonique dressé, debout sur les flûtes. Les marteaux dansant comme un rire qui hésite et s’abat, rebondit et s’élève tandis que le gong tonne et plombe, plonge et obombre cette clarté fascinante des lames qui hachent la vitalité de l’aigu. C’est un seul corps musical ouvert sur la scène et disséqué live. Une seule coulée de forge refroidie d’un coup, il y a très longtemps, puis massicotée à la hâte, sciée brute, tordue dans le tiède. Et parfois recourbée par un artisan aussi féroce que fin dans l’intention d’en faire une série, un puzzle compact d’instruments en fusion…Ou alors, un animal, un animal à écaille dont chaque os et chaque portion de peau sonnent et crient – crient leurs notes à coups de bec sur une cymbale. […] » Les Furtifs, Alain Damasio.
« Les Balinais tressent des notes perlées au kilomètre, les Javanais élèvent entre terre et ciel de lourdes pyramides métalliques habillées de voiles évanescents, les Sundanais étirent dans l’azur des plaintes mélancoliques. Pourtant sur leurs berceaux se sont penchées les mêmes fées, celles des volcans, des arbres, de l’eau et du riz, qui les dotèrent d’une même conception de l’univers et de la vie. Entre ésotérisme et empirisme, entre mythe et réalité, entre implicite et explicite, les concepts et les représentations de l’espaces, du temps et de la circulation de l’énergie vitale, sont reflétés dans l’ordre idéalisé des musiques de gamelan. » Catherine Basset
Indonésie, plus grand archipel de la planète situé dans l’Asie du Sud Est, avec quelques 13 466 îles dont 922 habitées. L’Hindouisme puis l’Islam y feront une grande place aux arts, à la danse, au théâtre et à la musique en particulier.
À Bali, le terme générique pour désigner tout ensemble instrumental traditionnel est : GAMELAN
Instrument unique et multiple possédant un accord particulier et définitif, le gamelan est un tout. En tant qu’ensemble d’instruments il forme une globalité indivisible. Chaque Gamelan est l’œuvre d’un maître forgeron, pandé, considéré comme un magicien. Le pandé maitrise l’art subtil de l’alliage des métaux (étain/cuivre) du feu, et des mantras qui apporteront une âme à la matière sonore. Un gamelan est un esprit vivant, nourri d’offrandes et de respect. Il est par exemple prié avant d’être joué, il est tout aussi interdit de l’enjamber, de s’assoir dessus, de le brutaliser physiquement comme verbalement.
Gongs et lames sont accordés de façon très fine, si bien qu’il n’y a pas deux gamelans accordés de façon semblable ou fondés sur une même hauteur. Confectionner un gamelan exige de nombreux mois de travail, et pour le plus imposant d’entre eux, près d’une tonne de bronze. Il faudra encore attendre une vingtaine d’années pour qu’il obtienne ses timbres définitifs et un accord stable ! Voici aussi pourquoi les instruments ne circulent pas d’un orchestre à un autre, ou qu’on ne constitue pas un gamelan avec des instruments récupérés à droite à gauche (puisqu’il sonnerait faux). Enfin comme dans toute tradition la transmission s’opère de maître à disciple.
Un Gamelan se compose de deux groupes. Les lamellophones avec :
- La famille des saron (6 ou 7 lames posées sur un socle en bois) jouent la ligne mélodique de base
- La famille des gender (7 à 14 lames suspendues au-dessus de résonateurs) sont des instruments à sons doux qui interviennent dans les compositions avec chant
- Un xylophone gambang (17 à 21 lames posées sur une caisse de bois)
Les jeux de gongs bulbés avec :
- Les kenong et ketuk (disposés individuellement sur un socle)
- Les bonang (12 à 14 petits gongs posés en deux rangées sur des cordes fixées à un cadre)
- Les grands gongs circulaires ageng et kempul (suspendus à un portique)
- Les kecher (cymbales fixées sur un support)