Le "Genre" ou "l'approche de Genre" sont souvent mal compris en France. Issu de l’anglais « gender », le genre est un concept sociologique désignant les « rapports sociaux de sexe », et de façon concrète, l’analyse des statuts, rôles sociaux, relations entre les hommes et les femmes. Appliqué aux politiques publiques, le genre a pour objectif de promouvoir l’égalité des femmes et des hommes en prenant en compte les différences et la hiérarchisation socialement construite. Cette approche permet également de prendre en compte les situations des lesbiennes, gays, bisexuels ou transgenres. On parle aussi en France « d’approche intégrée de l’égalité ».
Les questions d’égalité entre les femmes et les hommes, entre personnes hétérosexuelles et personnes aux sexualités minorisées, souvent désignées sous le sigle LGBTQI (pour Lesbiennes, Gays, Bisuexuel-les, Transgenres, Queer, Intersexes) et la compréhension du caractère socialement construit de la masculinité et de la féminité sont devenus des enjeux sociaux contemporains de premier ordre.
On retrouve donc aujourd’hui ce mouvement de contestation de la domination hétéropatriarcale au sein même du secteur cinématographique. Le cinéma est à la fois un produit social et culturel mais aussi un art créateur d’imaginaire. Autrement dit, le cinéma assoit-il les normes établies ou au contraire propose-t-il d’autres pistes ?
Dans son ouvrage paru en 2020, Le regard féminin : une révolution à l’écran, Iris Brey, docteure en études cinématographiques et en littérature et réalisatrice de films documentaires, propose un nouveau concept, celui de « regard féminin » (ou female gaze en
anglais) . Laura Mulvey avait théorisé dès 1975 le « male gaze », « processus qui conduit à ce que l’on regarde la femme filmée comme un objet, dans le but de provoquer un désir ou une excitation chez le spectateur ou la spectatrice ». Avec le « regard féminin », c’est tout l’inverse. Le corps
devient sujet. L’ordre patriarcal n’est plus. Il s’agit de filmer les femmes sans en faire des objets et de regarder sans voyeurisme. Il est à noter que le « regard féminin » n’a rien à voir avec le genre du ou de la cinéaste. Il peut donc tout à fait être porté par un homme. Selon Iris Brey, le « film de femme » n’existe pas. L’autrice indique également que le regard féminin n’est pas nouveau et est présent dès les débuts du cinéma. Ainsi, elle place Alice Guy, réalisatrice, scénariste et productrice de cinéma française née en 1873 comme une pionnière : "Contrairement aux premiers films des frères Lumière, qui documentent leur époque, Alice Guy veut raconter des histoires liées à la condition féminine et à la construction du genre féminin."
Depuis les années 80 pour les plus anciens, de nombreux festivals sont spécifiquement consacrés au cinéma des différences ainsi qu'aux thématiques LGBTQI. La Vidéothèque de la MLIS avait d'ailleurs consacré elle-même un Mois du film documentaire aux conditions et droits des femmes en 2012 avec l'événement "Tant qu'il y aura des femmes", au travers de projections et d'une rencontre avec Brigitte Chevet, Agnès Poirier, cinéastes (dont vous retrouverez les films dans cette sélection) et Christine Détrez, sociologue. Vous découvrirez dans notre sélection un grand nombre de films qui abordent les rapports de domination, la construction socioculturelle des identités, les stéréotypes, les différences et hiérarchies de sexe, ainsi que leurs modes de déstabilisation et de transgression, dans des sociétés et cultures du monde entier.