Le bien nommé film choral, ou Hyperlink cinema  est un genre difficile à définir, à mi-chemin entre le film de groupe et le film à sketches. Il semble qu’on puisse tout de même établir quelques caractéristiques.

Son originalité réside dans la construction du récit autour de plusieurs personnages principaux, disons au minimum trois, chacun d’entre eux ayant une importance égale, étant en quelque sorte le héros de sa partie. Chaque intrigue est autonome mais imbriquée aux autres. Il y a un lien entre les histoires, narratif, thématique, stylistique ou poétique. Un même personnage peut apparaître  comme héros ou comme simple figurant. De là peut découler un jeu avec  le spectateur mettant en question son attention. S’il a bien suivi, peut-être pourra-il  reconnaître un personnage déjà croisé ou un lieu ou tout autre détail. 

Si cette forme était présente depuis toujours en littérature, elle était délaissée par le cinéma (à l’exception notable d’Un dimanche d’août de Luciano Emmer (1950)), jusqu’à sa réapparition remarquée en 1993 avec Short Cuts de Robert Altman (judicieusement traduit Chassés croisés par nos amis Québécois), Lion d’or à la Mostra de Venise.

Par la suite, de nombreux réalisateurs et réalisatrices ce sont appropriés ce style de narration : le mexicain Alejandro Gonzáles Iñarritu (Babel, 2006), les américains Wes Anderson (Le grand Budapest Hotel, 2014), Stephen Gaghan (Syriana, 2006), le serbe Emir Kusturica (Chat noir, chat blanc, 1998) mais aussi des Français comme Claude Lelouch (Les Uns les autres, 1981), Alain Resnais (On connaît la chanson, 1997, Cœurs, 2006), Emma Thompson (Fauteuils d’Orchestre, 2006) et bien d’autres encore…

Si le film choral est un genre lié aux films de fiction, une forme assez proche se retrouve dans le cinéma documentaire. La possibilité de portraiturer un ensemble par petites touches humaines est utilisé par exemple dans la magnifique galerie de personnages arpentant le bois de Vincennes dans Le bois dont les rêves sont faits (2015) de Claire Simon

Le film choral a souvent une fin ouverte, son but n’est souvent pas de clôturer toutes les intrigues, ce qui lui donne forcément un aspect feuilletonnesque. Cette forme d’écriture ne serait-elle pas d’ailleurs précurseur de la série ? The Wire  (Sur écoute en français), Games Of Thrones, Years and Years ou encore Dix pour cent, ne sont-ils pas de longs films choraux ?

 
 

Le film à sketches

Le film à sketches viendrait du théâtre de boulevard et du music-hall, il aurait été encouragé par les grands studios car il leur permettait d’aligner numéro après numéro toutes les vedettes sous contrats. Le genre consiste en une série de saynètes réunies éventuellement sur une même thématique mais indépendantes les unes des autres. Certaines de l’épaisseur d’un gag et d’autres d’un film court.

 Il ne s’agit cependant pas d’une suite de courts métrages puisqu’ils sont conçus comme un tout dont l’addition donne une saveur à l’ensemble. Comme dans le film choral, il peut s’agir d’une sorte d’état des lieux. Les nouveaux sauvages de Damián Szifron (2014) explore différents aspects du délabrement moral de la société argentine contemporaine sur un ton caustique. Un ton très souvent de mise dans les comédies italiennes des années 1950/1960, sorte d’âge d’or européen du genre avec par exemple Les monstres de Dino Risi (1963) et sa suite Les nouveaux monstres (1977).

Si certains cinéastes ont réalisé seuls des films à sketches comme Jean Duvivier (Un carnet de bal, 1937), Masaki Kobayashi (l’horrifique Kwaidan, 1964) ou Jim Jarmush (Coffee and Cigarettes, 2005), d’autres sont le fruit d’un collectif pérenne comme les Monty Python (Le sens de la vie, 1983), ou plus fréquemment d'un collectif de réalisateurs tout à fait inédit comme pour Tickets qui réunit Ermanno Olmi, Abbas Kiarostami et Ken Loach (2005).

Le portrait d’une ville est presque est un sous-genre à part entière : Paris a particulièrement été peinte par les cinéastes. La Nouvelle Vague s’y est attelée dans Paris vu par… (1965) de Claude Chabrol, Jean Douchet, Jean-Luc Godard, Jean-Daniel Pollet, Eric Rohmer et Jean Rouch, puis par une nouvelle génération de cinéastes en 1984 dans Paris vu par…Vingt ans après de Chantal Akerman, Bernard Dubois, Philippe Garrel, Frédéric Mitterrand, Vincent Nordon, Philippe Venault et même encore actualisé dans Paris je t’aime (2006) qui réunit 18 réalisateurs de renommée internationale.

D’autres villes ont également été mises à l’honneur comme La Havane (7 jours à la Havane, 2012) ou Tokyo (Tokyo!, 2008). Centro Historico a même été réalisé spécialement dans le cadre particulier de « Guimarães 2012, Capitale européenne de la Culture », en réunissant quatre réalisateurs de renom : l'espagnol Victor Erice, le portugais Manoel de Oliveira, l'Écossais Douglas Gordon et le finlandais Aki Kaurismaki.  

Tout comme le film choral, le film à sketches semble avoir de beaux jours devant lui,  puisque nous attendons actuellement la sortie en salle de Septet : the Story Of Hong Kong (2020) de Ringo Lam , Wo Ping Yuen , Hark Tsui , Patrick Tam , Ann Hui , Sammo Hung  et Johnnie To, sélectionné au festival de Cannes 2020.