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Safar / Naar, collectif, prod.
Musique audio
Edité par Barclay , 2019
Au Maroc, le rap à deux visages. L’un est contestataire, à l’image de El Haqed (Mouad Belghouat), voix du Mouvement du 20 février et héritier du L’Boulvard emprisonné à plusieurs reprises pour ses chansons protestataires. L’autre, nationaliste et pro-Mohammed VI, veut montrer que le rap n’est pas qu’un simple import et peut devenir une véritable nationale. C’est le cas par exemple de Don Bigg, connu également sous le nom de Taoufik Hazeb ou Bigg El Khasser. Originaire de Hay Mohammadi, il apparaît dans la mouvance Nayda au début des années deux mille avec sa mixtape Mgharba tal mout (le Maroc jusqu’à la mort) avant de devenir au fil du temps fermement anti-contestation. La récupération commerciale à fins de publicité pour les grands groupes guette également, le modèle économique du rap ne permettant pas aux artistes un train de vie fastueux. Musicalement, les artistes se bornent longtemps à copier en arabe les géants américains di genre comme Snoop Dog et 2Pac (notamment Masta Flow et Muslim rappeur tangérois qui débuté avec Zanka Flow en 1995 suivi de La3rbi en 2001, Al rissala en 2010 er Tamarod en 2014). La compilation proposée reflète le tournant trap que prennent le rap et le hip-hop au Maroc, mais également dans les autres pays arabes (Shabjdeed en palestine, Wegz / Marawb Oablo en Egypte). Sous l’égide du collectif Naar – créé par Mohammed Sqalli et Ilyes Griyeb – elle réunit un certain nombre de rappeur marocains comme Small X et Shobbe (derrière le duo Shayfeen créé en 2006, également producteur) ou encore Issam. Ce dernier privilégie dans ses clips l’esthétique – notamment vestimentaire – des années quatre-vingt-dix (Trap beldi), faisant intervenir des ritournelles qui plongent du côté de la musique populaire urbaine maghrébine des dernières décennies (dont les inserts de clavier mélancolique qui ne sont pas sans rappeler celles du raï à la Cheb Hasni auquel « Caviar » fait référence dans ses paroles). Contrairement au rap et au hip-hop des années quatre-vingt-dix et deux mille, les artistes de trap actuels opèrent dans un cadre d’emblée transnational, écrivant ou produisant en dehors des frontières domestiques sans avoir) physiquement affronter demande de visa et passage de douane (même si une partie de ces rappeurs possède également une nationalité européenne, notamment française. L’éventuelle barrière e la langue (on chante beaucoup en arabe dialectal, peu en anglais) ne semble pas représenter un obstacle à la diffusion organique de ces artistes. Fidèle à l’époque, Narr s’affiche multidisciplinaire et s’ouvre à des artistes d’autres origines, notamment européens et américains.
Coline Houssais_Musique du Monde Arabe_une anthologie en 100 artistes. Le Mot et le reste 2020.
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